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30 décembre 2012 7 30 /12 /décembre /2012 23:19

c-edelw.jpg

La plume Sergent-Major en grattait le papier quadrillé et l’encre violette s’écoulait pour dessiner les premiers mots d’une leçon de choses, ou ceux d’un poème de Victor Hugo. Du haut de ses taches, le buvard surveillait les pâles progrès en écriture de l’élève appliqué (la blouse aussi surveillait tout cela de très, très près, et en gardait les nombreux errements). Le cahier avait beaucoup souffert dans le cartable sur le chemin de l’école. On répète sa leçon dans sa tête, — aujourd’hui, la récitation parlera de la mer, des mouettes, ou de forçats innocents qu’on a exilés dans les bagnes d’au-delà les océans. Le cahier contient tout à coup le monde entier, toutes les histoires des hommes, les problèmes d’arithmétique comme les cartes de géographie, — mais il est plus précieux, beaucoup plus précieux que toutes ces belles histoires, parce que c’est votre propre écriture qui vous les raconte sur ses pages.         

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16 décembre 2012 7 16 /12 /décembre /2012 18:47

St_Barbara-s_Communion_1953.jpg

Dans mon petit bout d’atelier, je pense à mes gribouillages maladroits. La pluie glisse doucement sur la vitre de la fenêtre ; sur le vieux mur de la ruelle, le lampadaire jaune vient de s’allumer à l’instant dans le soir silencieux. Glenn Gould rêve l’adagio d’une sonate de Joseph Haydn. Les jours où tu n’écris pas sont comme des communiants aux costumes sombres, une fleur pensive à la boutonnière. Le temps multiplie alors les impasses perdues dans un récit oublié. Les notes du piano accompagnent le vide où s’échappent des ombres. Tu te souviens alors de ces claires journées où ta plume allait gentiment son petit paragraphe de chemin, — ces pâles journées d’écriture sont comme de lumineuses communiantes, qui sourient en grimaçant au sortir de la sombre chapelle dans l’inondation soudaine d’un grand soleil de mai, que le photographe a convoqué sur le parvis. Toutes les communiantes portent le voile, une couronnes de petites fleurs des champs auréole leurs visages, — et les vingt-six robes à volants vieillissent vingt-six fois les matinales promesses d’une vie exaltante.            

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:52

webb_STILL-NOT-SURE.jpg

Trouvé dans un livre une feuille de rose flétrie, qui sais depuis quand ! Je me le demande en revenant sur les printemps passés, sur les jours et les lieux où cette rose a fleuri ; mais rien ne revient de ces choses perdues. Ce n’est pas un malheur d’être une fleur sans date. Tout ce qui prend mystère a du charme. Cette feuille dans ce livre m’intéresse plus qu’elle n’eût pu faire sur sa rose et son rosier. J’en ai quitté de lire. Pour peu qu’on ait l’âme réfléchissante, il y a de quoi s’arrêter à chaque instant et se mettre en pensée sur ce qui se présente dans la vie. Eugénie de Guérin, Journal, 12 novembre 1839.

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 10:21

fleurs.jpg

Le pays de Robert Walser est fait de montagnes, de vallées, de plaines paresseuses ou de capricieuses collines. Les alpages juvéniles succèdent aux immémoriales forêts, et les paisibles prairies aux vergers délicats. Il neige. La tendre rive des lacs apprivoise de gentilles bourgades endormies, les sources murmurent d’étonnants secrets dans les creux de verdure. L’orage du soir d’été monte au-dessus des cimes. L’automnale pluie frappe au carreau de la fenêtre. La mansarde est silencieuse et danse à la flamme primesautière de la chandelle. Le pays de Robert Walser est immense et minuscule, prodigieusement insignifiant et considérable, c’est le pays de l’écriture, — quand elle s’invente ingénument d’enfantins horizons. Mais comment écrire quand on échoue sciemment à devenir ce qu’il convient d’appeler un homme de lettre ? Comment écrire quand vous vous sentez expatrié du pays même de l’écriture, et que votre présent songeur semble vous exclure du cours du monde et vous renvoyer l’image d’un éternel narrateur anonyme ? (in Le matricule des anges, n° 138, novembre-décembre 2012)

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 18:47

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que les pages des livres devraient, elles aussi, s’envoler un peu dans le soir d’automne. [source : http://story-dj.tumblr.com, prise sur le Betweeners de Danièle Pétrès]

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 10:43

Jean_Marc_Nattier_portrait_de_jeune_femme.jpg

Lorsque j’eus fait imprimer l’Introduction à la vie dévote, Monseigneur l’Archevêque de Vienne, Pierre de Villars, me fit la faveur de m’en écrire son opinion en termes si avantageux pour ce livret et pour moi, que je n’oserais jamais les redire ; et m’exhortant d’appliquer le plus que je pourrais de mon loisir à faire pareilles besognes, entre plusieurs beaux avis desquels il me gratifia, l’un fut que j’observasse toujours tant que le sujet le permettrait la brièveté des chapitres. Car tout ainsi, dit-il, que les voyageurs, sachant qu’il y a quelque beau jardin à vingt ou vingt-cinq pas de leur chemin, se détournent aisément de si peu pour l’aller voir, ce qu’ils ne feraient pas s’ils savaient qu’il fût plus éloigné de leur route, de même ceux qui savent que la fin d’un chapitre n’est guère éloignée du commencement, ils entreprennent volontiers de le lire, ce qu’ils ne feraient pas, pour agréable qu’en fût le sujet, s’il fallait beaucoup de temps pour en achever la lecture. François de Sales, préface au Traité de l’amour de Dieu. [Jean-Marc Nattier, portrait de jeune femme.]

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 01:21

heinrich-kuhne

Les feuilles du géranium se décolorent,

se fripent une à une, mais il fleurit encore,

ce matin sous un ciel pur et lumineux :

les hardes de l’été retombent ici et là,

petites vies chassées du paradis

des jours de grand soleil, de chaleur,

des portes se ferment l’une après l’autre,

la solitude de la lumière apparaît

soudain entre les branches.

 

Paul de Roux, La Halte obscure, Gallimard, 1993 (photographie Heinrich-Kühn)

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 00:51
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3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 01:29

This performance by Love Unlimited was broadcasted by dutch television on 22 april 1974. Glodean James, the singer in the middle was married to Barry White at that time. It May Be Winter Outside. 

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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 16:54

said-my-soul.jpg

Come, said my Soul
Such verses for my Body let us write (for we are one),
That should I after death invisibly return,
Or, long, long hence, in other spheres,
There to some group of mates the chants resuming
(Tallying Earth's soil, trees, winds, tumultuous waves),
Ever with pleas’d smiles I may keep on,
Ever and ever yet the verses owning — as, first, I here and now,
Singing for Soul and Body, set to them my name, Walt Whitman.

Walt Whitman’s handwritten rough drafts of Come, said my Soul appear on the facing page and the front and back covers of this issue of American Poet. The poem was first published individually and then as the title-page epigraph to later editions of Leaves of Grass.
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Une Petite Rue D’angoulême

  • : le ciel au-dessus de la rue
  • : petites proses journalières, citations, musiques, ou bouts de films.
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il devient écrivain

strindberg-copie-1.jpg

« Toujours allongé sur son canapé, il se sent pris d’une fièvre inhabituelle et tandis qu’elle se poursuit dans son corps, sa tête travaille à mettre en ordre d’anciens souvenirs, à élaguer certaines choses et à en rajouter certaines autres. De nouveaux personnages secondaires se présentent, il les voit se mêler à l’action, il les entend parler. C’est comme s’il les voyait sur la scène. Deux ou trois heures plus tard il avait une comédie en deux actes toute prête dans la tête. C’était un travail à la fois douloureux et voluptueux, si on pouvait appeler cela du travail, car cela se faisait tout seul, sans l’intervention de sa volonté et sans qu’il y fût pour rien. Mais à présent il fallait l’écrire. La pièce fut achevée en l’espace de quatre jours. Il allait et venait entre son bureau et le canapé où, par intervalles, il s’effondrait comme une loque. » (August Strindberg)

valentine

renee-2-copie-2.jpg

Ma grand-tante s’appelait Valentine. Elle vivait en solitaire à Fontbouillon, une campagne reculée, perdue, elle vivait ? — c'est un bien grand mot, je crois que je devrais plutôt dire qu’elle rêvait. Chaque jour elle s’habillait très élégamment, comme si ç’avait été un dimanche. Elle sortait peu. Elle regardait simplement la petite route qui passait devant sa porte, — où aurait-elle pu aller ? Les maris étaient morts depuis longtemps et son fils s’obstinait à vivre dans sa folie. Valentine s’asseyait à son piano et jouait ses nocturnes. La vie de Valentine est un immense, cruel et déchirant nocturne. Il y a longtemps que je pense à écrire le roman de sa vie absente. Fleur fanée d’un souvenir lointain et douloureux.

en voyage

KafkaMan

On arrive sur la grande place dès les premières heures, et tout est encore dans le tendre déploiement du rêve ; le jour est plus que le jour, — et la nuit moins que la nuit. Les pigeons égrènent la ponctuation subtile et mouvante de leur tourbillonnante quête d’horizons. Le ciel descend au milieu des murs, et les jeunes ombres s’étirent derrière les fenêtres. On est devant les vieilles procuraties, et le cœur s’absente de soi-même. On devient le voyageur de son désir — étranger au pays de ses errances.

l’écriture

wassermann

Il faudrait calculer le secret rapport entre la main et la pensée, — je ne suis pas sûr non plus que ce soit la pensée qui s’avance jusque dans la main, — c’est autre chose, peut-être simplement l’élan, la mise en mouvement de ce rapport justement, qui reste suspendu dans le fil courbe de la plume, et la respiration viendrait de ce qu’il faut tout de même, de temps en temps, tremper la plume dans le lac sombre de l’encrier. Peut-être les pensées sont-elles justement tout au fond dans l’encrier ? petites sirènes d’argent.