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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 16:40
première page

Marcel Cohen, Sur la scène intérieure, Faits, coll. L’un et l’autre, Gallimard, 2013.

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 16:29
une lettre

Où se cacher ? Comment s’abriter de l’absence ? Comment y échapper alors qu’elle gouverne l’univers de sorte qu’il n’y a plus de terre, ni ce ciel, ni de pays, ni de continents, ni de saisons, ni de visages ? Alors qu’elle prend toute la place, qu’elle ne laisse aucune chose s’épanouir, aucune vérité jaillir, aucun astre faire office de guide ? Alors qu’elle empêche les racines de s’accrocher, les chemins de s’afficher, les rêves de conquérir la réalité ?

Silvia Baron Supervielle, lettre 26, in Lettres à des photographies, Gallimard, avril 2013.

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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 20:12
temps d’écriture

« Tant que j’écris, je me sens en sécurité. Ce n’est peut-être que pour ça que j’écris. Ce que j’écris importe toutefois peu. Il suffit que je ne m’arrête pas. Ce peut être n’importe quoi aussi longtemps que j’écris pour moi-même : pas de lettre, ni rien qui me soit imposé de l’extérieur ou demandé. N’ai-je rien écrit pendant quelques jours, et me voilà perplexe, désespéré, sombre, vulnérable, méfiant, menacé de mille dangers. »

Élias Canetti, in Notes de Hampstead (1965), traduit de l’allemand par Walter Weideli (Albin Michel, Paris, 1997).

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 19:43
chez le barbier

(…) « Ne bougez pas ! » tonitrue le barbier de la ville et le couteau descend tout droit jusque sur le menton. Pris de curiosité, on se tâte la figure ; que se passe-t-il là-haut ? Vous ne vous reconnaissez plus, votre nez semble plus court, les pommettes plus accentuées que jamais. Votre visage vous paraît celui d’un étranger. Vous êtes sur le point de demander qui le barbier est en train de raser lorsque vous sentez une troisième coupure et vous voyez un morceau de votre menton descendre sur votre poitrine et tomber par terre. Vous songez à dire votre prière. Même si l’on est un dur à cuire, on ne peut s’empêcher de songer à dire sa prière. Le barbier continue tranquillement son œuvre de destruction. Quand la victime est suffisamment touchée d’un côté, la même opération fatale est entreprise de l’autre côté jusqu’à ce que l’on rende l’âme et que l’on perde conscience, la prière sur le bout des lèvres. (…)

Knut Hamsun, Petite ville, in Fragments de vie, traduction de Jacqueline Le Bras, Actes Sud, 1990.

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19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 23:32
un bracelet, une bague, une montre

Je ne sais pas pourquoi, mais je sens obscurément que sa valise est vide. La jeune fille va enfin quitter l’hôpital, laissant derrière elle le vide de sa vie. Elle écrit chez elle, — sa lettre arrivera-t-elle ? qui la lira ? aura-t-elle encore, là-bas, une famille, un fiancé, une jeunesse ? où est passée sa vie ? où a-t-elle disparu ? Regardez bien, le centre de la photographie coïncide avec la pointe de la plume qui touche le papier ; c’est très exactement, pour moi, le punctum dont parle Roland Barthes dans La chambre claire, ce qui me point dans la photographie, — en réalité, l’endroit où l’image s’invente un autre récit ; où, si l’on veut, la photographie se résorbe dans son propre invisible, un hors-champs par où l’imagination accélère le sentiment, et où l’émotion découvre le vertige d’une confidence dont elle est privée. Je vois le calepin ouvert (elle y a retrouvé sans doute une adresse ancienne), l’encrier, la lettre froissée, une feuille dépliée, je vois l’application, le sérieux de cette écriture qui intériorise un destin (dont je n’entrevois que les signes prisonniers de l’urgence d’un présent). C’est une jeune fille habillée comme une vieille dame, — égarée dans la tourmente de la guerre d’Espagne. Posée sur le lit, sa valise est l’écritoire douloureux de son exil. Gerda Taro, in La valise mexicaine.

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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 01:59

Dino s’en retourne au pays.

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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 12:09

souvenirs.jpeg

« Mais qu’est-ce qu’un souvenir dont on ne peut se souvenir », se demande-t-il, — sans point d’interrogation, au milieu de la page du cahier d’écriture. J’avance une petite théorie toute personnelle (mais, en réalité, toute proustienne) : c’est un souvenir qu’un autre souvenir n’est pas encore venu raviver ni ranimer, — car les souvenirs s’enchaînent aussi sûrement que les maillons de la chaîne qui nous retient prisonnier de notre passé, un souvenir en appellant un autre, et celui-ci un autre encore, ainsi de suite, de sorte qu’on finit en somme par « matérialiser » complètement un bout de la chaîne, c’est-à-dire à le rendre présent. Il reste, cependant, un tout petit écueil : ce présent, qui nous revient du lointain de nous-même, n’est plus du tout le même présent qu’il nous aurait été donné de vivre sans cet afflux de souvenirs. J’en viens maintenant au cœur de ma petite théorie (toute personnelle et, néanmoins, proustienne) : au vrai, contrairement à l’idée communément admise, nous n’inventons donc pas notre passé dans une recréation littéraire, mais, à l’inverse, c’est bien notre passé qui imagine notre présent, dont nous sommes un simple récepteur. Dans le cas de Proust, pour nous résumer, le seul auteur de La Recherche n’est pas l’écrivain douloureusement reclus dans sa chambre de nostalgie, mais bien plutôt ce petit Marcel ivre de l’amour de la vie et de l’infini du monde.

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 13:08

Balskorna-_Helene_Schjerfbeck-_1882.png

« Le matin, qui est le plus notable moment du jour, est l’heure du réveil. C’est alors qu’il est en nous le moins de somnolence ; et pendant une heure, au moins, se tient éveillée quelque partie de nous-même, qui tout le reste du jour et de la nuit sommeille. Il n’est guère à attendre du jour, s’il peut s’appeler un jour, où ce n’est point notre Génie qui nous éveille, mais le toucher mécanique de quelque serviteur, où ce n’est point, qui nous éveillent, notre reprise de force ni nos aspirations intérieures, accompagnées des ondes d’une céleste musique en guise de cloches d’usine, et alors qu’un parfum remplit l’air — pour une vie plus haute que celle d’où nous tombâmes endormis ; ainsi la ténèbre porte son fruit, et prouve son bienfait, non moins que la lumière. » Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois (traduction de L. Fabulet, Gallimard, coll. L'imaginaire, 1990) ; Helene SchjerfbeckBalskorna, 1882.

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 18:27

Knaus-Ludwig-girl-in-a-field.jpg

« (…) le matin suivant, il y eut des moments de soleil et l’après-midi je vis les alpages de Crevasalva dans la plénitude et la force de leur floraison. Il se passa en moi avec les fleurs des Alpes ce qui se passe lorsqu’on regarde pour la première fois avec étonnement les personnages des tableaux de Fra Angelico ; chacune de ces fleurs est aussi supérieure à ses sœurs de la plaine que les personnages de Fra Angelico sont supérieurs aux hommes que nous rencontrons. J’ai été saisi de voir les fleurs dans cette intensité et cette clarté de leur âme, de voir à quel point, toutes, même les plus délicates, sont plus sûres, plus gaies, plus sereines —, des anges-fleurs forts, avec la conscience des cieux véritables, qui sont sans complaisance. » Rainer Maria Rilke, in Lettres à Yvonne von Wattenwyl (traduites de l’allemand par Yvonne Gmür, Verdier, coll. Der Doppelgänger, Lagrasse, 1994) ; Knaus Ludwig, Girl in a field.

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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 23:44
 Ase o fuku onna (Femme essuyant la sueur de son visage)
On ne sait pas trop quand l’amour naît, mais le désir, si, il trouble la vue, obscurcit la lumière, éblouit les nuits, — il est dans chaque plan du film Cinq femmes autour d’Utamaro, de Mizoguchi Kenji, dessiné d’une caméra élégante et suave, aussi délicate qu’un pinceau. 
喜多川 歌麿Kitagawa Utamaro, Ase o fuku onna (femme essuyant la sueur de son visage).
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Une Petite Rue D’angoulême

  • : le ciel au-dessus de la rue
  • : petites proses journalières, citations, musiques, ou bouts de films.
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il devient écrivain

strindberg-copie-1.jpg

« Toujours allongé sur son canapé, il se sent pris d’une fièvre inhabituelle et tandis qu’elle se poursuit dans son corps, sa tête travaille à mettre en ordre d’anciens souvenirs, à élaguer certaines choses et à en rajouter certaines autres. De nouveaux personnages secondaires se présentent, il les voit se mêler à l’action, il les entend parler. C’est comme s’il les voyait sur la scène. Deux ou trois heures plus tard il avait une comédie en deux actes toute prête dans la tête. C’était un travail à la fois douloureux et voluptueux, si on pouvait appeler cela du travail, car cela se faisait tout seul, sans l’intervention de sa volonté et sans qu’il y fût pour rien. Mais à présent il fallait l’écrire. La pièce fut achevée en l’espace de quatre jours. Il allait et venait entre son bureau et le canapé où, par intervalles, il s’effondrait comme une loque. » (August Strindberg)

valentine

renee-2-copie-2.jpg

Ma grand-tante s’appelait Valentine. Elle vivait en solitaire à Fontbouillon, une campagne reculée, perdue, elle vivait ? — c'est un bien grand mot, je crois que je devrais plutôt dire qu’elle rêvait. Chaque jour elle s’habillait très élégamment, comme si ç’avait été un dimanche. Elle sortait peu. Elle regardait simplement la petite route qui passait devant sa porte, — où aurait-elle pu aller ? Les maris étaient morts depuis longtemps et son fils s’obstinait à vivre dans sa folie. Valentine s’asseyait à son piano et jouait ses nocturnes. La vie de Valentine est un immense, cruel et déchirant nocturne. Il y a longtemps que je pense à écrire le roman de sa vie absente. Fleur fanée d’un souvenir lointain et douloureux.

en voyage

KafkaMan

On arrive sur la grande place dès les premières heures, et tout est encore dans le tendre déploiement du rêve ; le jour est plus que le jour, — et la nuit moins que la nuit. Les pigeons égrènent la ponctuation subtile et mouvante de leur tourbillonnante quête d’horizons. Le ciel descend au milieu des murs, et les jeunes ombres s’étirent derrière les fenêtres. On est devant les vieilles procuraties, et le cœur s’absente de soi-même. On devient le voyageur de son désir — étranger au pays de ses errances.

l’écriture

wassermann

Il faudrait calculer le secret rapport entre la main et la pensée, — je ne suis pas sûr non plus que ce soit la pensée qui s’avance jusque dans la main, — c’est autre chose, peut-être simplement l’élan, la mise en mouvement de ce rapport justement, qui reste suspendu dans le fil courbe de la plume, et la respiration viendrait de ce qu’il faut tout de même, de temps en temps, tremper la plume dans le lac sombre de l’encrier. Peut-être les pensées sont-elles justement tout au fond dans l’encrier ? petites sirènes d’argent.