21 août 2017
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Sarah Bernat et Armelle Furet dans Rose d’Oradour
La matinée claire d’un samedi de juin. Deux jeunes filles marchent dans la campagne. Elles ont dix-sept, dix-huit ans. Elles sont dans l’été de leur vie. Suzanne, l’aînée, est déjà fiancée, tandis que Rose vient de tomber amoureuse d’un jeune homme rencontré dans la ville voisine. Elle a eu un rendez-vous avec lui où il n’est pas venu. Elle raconte à son amie Suzanne ce qu’elle ressent, — et les nombreuses questions qu’elle se pose. Leur entretien dure une dizaine de minutes, le temps de ce court-métrage, Rose d’Oradour, tourné tout début juillet, avec Sarah Bernat et Armelle Furet, images d’Adil Mekki, prise de son de Sarah Charles, avec une musique de Patrice Granadel. Le film sera projeté dans la salle Georges-Méliès de l’espace Franquin, à Angoulême, le mercredi 30 août à 18h30.
7 août 2017
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Où sommes-nous quand on lit le poème ? je me le suis demandé. Si on est dans le poème, c’est bien. C’est qu’il vous a accueilli, qu’il était assez perméable pour ça, et, en sa compagnie, les yeux s’ouvrent, l’âme s’élève un peu, et le cœur s’agrandit. Ça en fait des choses, n’est-ce pas ?
16 juin 2017
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17:32
« De temps à autre, cet homme ou cette femme habitant une maison isolée en plein champ, une maison à peine desservie par un chemin de terre, se regarde dans la glace héritée d’un aïeul. Depuis plus de trois cents ans, cette glace a reflété des corps jeunes ou vieux dans leur nudité glorieuse ou tremblante à moins que des corps vêtus de dentelles triomphantes, de pourpoints couleur de mauve ou de giroflée ou de redingote de deuil […] Qu’une poutre craque, qu’une porte grince et celle qui regarde son corps déjà pubère se prend d’une soudaine crainte. Pourtant, il n’entre personne et les animaux quasi-aveugles du grenier semblent eux-mêmes dormir. Voilà maintenant cette même fille vêtue de lourdes étoffes couleur feuille morte ou de sang séché. On ne sait plus à quel siècle nous sommes. Elle ouvre la fenêtre qui donne sur la solitude d’un pré ou d’une jachère. Alors monte jusqu’à ses petites oreilles que décore une perle des mers indiennes ou une goutte d’or, le bruit des crapauds et celui d’un insecte inconnu.Elle ferme la fenêtre, ressent la présence de son sang, de ses poumons, de son cœur, de ses entrailles chaudes. Elle est alors prise du désir de manger du pain dans la nuit, pas d’un pain spécial, mais de celui-là même que consomme, durant toute l’année, la paroisse rurale qui est la sienne sans même qu’elle l’ait voulu. » Jean Follain, prose inédite, publié dans la revue Poésie n° 36, décembre 2003.
2 mai 2017
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« Ne rien faire, ne rien dire. »
« Voilà comme je vous lis, cher André Dhôtel : vos livres, vous les écrivez pour amener l’homme à la hauteur de la femme, rude tâche en vérité. Vous tenez ensemble la chair — le flux d’une histoire peuplée — et l’esprit — la délivrance de l’amour par l’amour. Ensemble : ce mot est un clef d’or à votre trousseau de phrases. Les hommes et les femmes apparaissent, dans la vie commune, si peu faits les uns pour les autres que c’en est parfois comique, souvent désespérant. En vous lisant je retrouve une communauté possible, une communauté intacte dessous la communauté détruite. La vieille opposition du réel et du songe, cette distinction amère avec laquelle on agace les dents des jeunes gens, elle est chez vous révoquée : rien ne fait plus rêver que le réel pur. Et puis, permettez-moi cette insolence, le miracle est que par endroits vous écrivez si mal : dans chacun de vos livres j’ai trouvé une zone d’ennui, un marais où l’histoire devenait brumeuse et où les phrases n’avançaient presque plus. J’ai bientôt compris que ces pertes étaient indispensables à l’éclat du livre, qu’elles étaient même une partie constituante de cet éclat, comme les broussailles font corps avec la clairière qu’elles protègent. Il y a, certes, des écrivains qui ont un plus beau toucher de phrase que vous, mais la plupart sont si encombrés d’eux-mêmes que leur livre ne sait comment nous parvenir : cérémonieux, pesant, il s’effondre avant de nous atteindre. Vous, vous avancez à pas léger. Vous ressemblez à votre héroïne qui, je ne sais plus dans lequel de vos récits, je les confonds tous,, murmure, en tournant le dos à un ami trop raisonneur : je ne songe jamais à ce qui se passera plus tard. » Christian Bobin, L'épuisement, Gallimard, 2015.
3 avril 2017
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Henri Matisse, La conversation, 1938.
« Il existe un type de traducteur, qui n’entretient pas de liens univoques avec l’activité de traduction. Beaucoup d’excellents traducteurs ne relèvent pas de ce type, et sans doute certains de ses représentants n’ont-ils jamais traduit. Étranger de naissance, il est le spectateur fasciné de toute existence hors de lui, et s’abîme en contemplation avant de se perdre en traduction. On le rencontre parmi les flâneurs des grandes villes, les entomologistes des transports en commun et des terrasses de café. On le prend parfois pour un amoureux compulsif, émotionnellement immature, parce qu’il s’absorbe irrésistiblement dans un visage de rencontre ; ou pour un esprit influençable, parce qu’il ne se refuse à rien ; ou enfin, pour un velléitaire. Mais il n’est rien de tout cela : simplement, il n’arrive à éprouver la réalité d’une existence qu’en reconstruisant l’univers autour d’elle, la solidité d’une pensée qu’en l’assimilant d’abord à sa propre substance. Il reste certes, après cela, à choisir — mais qui reste-t-il pour choisir ? » Pierre Rusch, avant-propos à sa traduction d'Enfance berlinoise vers 1900, de Walter Benjamin, Hermann, Paris, 2014.
10 mars 2017
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Francis Jammes chez Thomas Braun à Maissin en Belgique, en 1932
J’aime dans le temps Clara d’Ellébeuse,
l’écolière des anciens pensionnats,
qui allait, les soirs chauds, sous les tilleuls
lire les magazines d’autrefois.
Francis Jammes, De l’angelus de l’aube à l’angelus du soir, Mercure de France, Paris, 1898.
22 janvier 2017
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il y a quelques années en Afrique…
Cette petite robe a une histoire que je ne connais pas. A-t-elle été achetée à Paris dans ce magasin qu’on appelait « À la ville du Puy » sur les grands boulevards derrière l’opéra ? ou encore aux désuètes « Dames de France » d’une modeste ville de province ? N’aurait-elle pas été plutôt confectionnée par une couturière émue et maternelle ? ou bien aurait-elle tout bonnement appartenu à une ancienne jeune fille, — cela est peu probable parce qu’elle paraît bien être de son temps, et témoigne de la toute dernière mode. La jeune fille aussi est de son temps, aussi simple que sa robe qui danse si simplement autour d’elle. Dans le mouvement, la robe se gonfle comme une voile, et emporte les désirs inconnus sur quelques airs en vogue. C’est une robe pour danser, pour s’étourdir de soi, être heureuse. On se demande, de la jeune fille ou de la robe, laquelle des deux transcende l’autre. Je sais très bien que la jeune fille serait toujours la même jeune fille sans la robe, — je ne suis pas idiot. Elle non plus n’est pas idiote, et sait très bien qu’avec ou sans la robe, elle sera toujours elle-même. Mais, tout de même, cette petite robe n’est pas sans faire un certain effet dans son cœur, et dans son âme où elle dépose comme de joyeuses petites étoiles, aussi innombrables que les pois malicieux s’égrenant dans les plis de sa douce corolle. Pourquoi danserait-on ? sinon pour sentir s’envoler autour de soi une légère robe claire ?
23 décembre 2016
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photographie de Fabienne Vachey
16 décembre 2016
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5 novembre 2016
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« Dès le 6 octobre, les feuilles commencent généralement à tomber, en pluies successives provoquées par le gel ou les averses, mais la moisson de feuilles la plus importante, l’apogée de la chute se situe d’ordinaire vers le 16. Un beau matin, aux alentours de cette date, il a gelé sans doute plus fort qu’auparavant ; de la glace s’est formée sous la pompe, et quand le vent du matin se lève, les feuilles tombent en pluies plus serrées que jamais. Elles forment soudain des tapis épais sur le sol, sous l’effet de la brise ; même s’il n'y a pas de vent, ces lits de feuilles épousent la forme et la taille de l’arbre. Certains, tels les petits hickorys, semblent s’être dépouillés de leur feuilles instantanément, comme un soldat qui dépose les armes au premier commandement. Celles du hickory, encore très jaunes bien que desséchées, ont des reflets de feu sur le sol où elles gisent. Elles sont tombées de tous côtés, au premier coup de baguette magique de l’automne, faisant le même bruit que la pluie. » Henry D. Thoreau, Teintes d’automne, traduction de Nicole Mallet, éditions Le mot et le reste, 2012.