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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 13:08

Balskorna-_Helene_Schjerfbeck-_1882.png

« Le matin, qui est le plus notable moment du jour, est l’heure du réveil. C’est alors qu’il est en nous le moins de somnolence ; et pendant une heure, au moins, se tient éveillée quelque partie de nous-même, qui tout le reste du jour et de la nuit sommeille. Il n’est guère à attendre du jour, s’il peut s’appeler un jour, où ce n’est point notre Génie qui nous éveille, mais le toucher mécanique de quelque serviteur, où ce n’est point, qui nous éveillent, notre reprise de force ni nos aspirations intérieures, accompagnées des ondes d’une céleste musique en guise de cloches d’usine, et alors qu’un parfum remplit l’air — pour une vie plus haute que celle d’où nous tombâmes endormis ; ainsi la ténèbre porte son fruit, et prouve son bienfait, non moins que la lumière. » Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois (traduction de L. Fabulet, Gallimard, coll. L'imaginaire, 1990) ; Helene SchjerfbeckBalskorna, 1882.

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 18:27

Knaus-Ludwig-girl-in-a-field.jpg

« (…) le matin suivant, il y eut des moments de soleil et l’après-midi je vis les alpages de Crevasalva dans la plénitude et la force de leur floraison. Il se passa en moi avec les fleurs des Alpes ce qui se passe lorsqu’on regarde pour la première fois avec étonnement les personnages des tableaux de Fra Angelico ; chacune de ces fleurs est aussi supérieure à ses sœurs de la plaine que les personnages de Fra Angelico sont supérieurs aux hommes que nous rencontrons. J’ai été saisi de voir les fleurs dans cette intensité et cette clarté de leur âme, de voir à quel point, toutes, même les plus délicates, sont plus sûres, plus gaies, plus sereines —, des anges-fleurs forts, avec la conscience des cieux véritables, qui sont sans complaisance. » Rainer Maria Rilke, in Lettres à Yvonne von Wattenwyl (traduites de l’allemand par Yvonne Gmür, Verdier, coll. Der Doppelgänger, Lagrasse, 1994) ; Knaus Ludwig, Girl in a field.

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:52

webb_STILL-NOT-SURE.jpg

Trouvé dans un livre une feuille de rose flétrie, qui sais depuis quand ! Je me le demande en revenant sur les printemps passés, sur les jours et les lieux où cette rose a fleuri ; mais rien ne revient de ces choses perdues. Ce n’est pas un malheur d’être une fleur sans date. Tout ce qui prend mystère a du charme. Cette feuille dans ce livre m’intéresse plus qu’elle n’eût pu faire sur sa rose et son rosier. J’en ai quitté de lire. Pour peu qu’on ait l’âme réfléchissante, il y a de quoi s’arrêter à chaque instant et se mettre en pensée sur ce qui se présente dans la vie. Eugénie de Guérin, Journal, 12 novembre 1839.

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 10:43

Jean_Marc_Nattier_portrait_de_jeune_femme.jpg

Lorsque j’eus fait imprimer l’Introduction à la vie dévote, Monseigneur l’Archevêque de Vienne, Pierre de Villars, me fit la faveur de m’en écrire son opinion en termes si avantageux pour ce livret et pour moi, que je n’oserais jamais les redire ; et m’exhortant d’appliquer le plus que je pourrais de mon loisir à faire pareilles besognes, entre plusieurs beaux avis desquels il me gratifia, l’un fut que j’observasse toujours tant que le sujet le permettrait la brièveté des chapitres. Car tout ainsi, dit-il, que les voyageurs, sachant qu’il y a quelque beau jardin à vingt ou vingt-cinq pas de leur chemin, se détournent aisément de si peu pour l’aller voir, ce qu’ils ne feraient pas s’ils savaient qu’il fût plus éloigné de leur route, de même ceux qui savent que la fin d’un chapitre n’est guère éloignée du commencement, ils entreprennent volontiers de le lire, ce qu’ils ne feraient pas, pour agréable qu’en fût le sujet, s’il fallait beaucoup de temps pour en achever la lecture. François de Sales, préface au Traité de l’amour de Dieu. [Jean-Marc Nattier, portrait de jeune femme.]

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 01:21

heinrich-kuhne

Les feuilles du géranium se décolorent,

se fripent une à une, mais il fleurit encore,

ce matin sous un ciel pur et lumineux :

les hardes de l’été retombent ici et là,

petites vies chassées du paradis

des jours de grand soleil, de chaleur,

des portes se ferment l’une après l’autre,

la solitude de la lumière apparaît

soudain entre les branches.

 

Paul de Roux, La Halte obscure, Gallimard, 1993 (photographie Heinrich-Kühn)

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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 16:54

said-my-soul.jpg

Come, said my Soul
Such verses for my Body let us write (for we are one),
That should I after death invisibly return,
Or, long, long hence, in other spheres,
There to some group of mates the chants resuming
(Tallying Earth's soil, trees, winds, tumultuous waves),
Ever with pleas’d smiles I may keep on,
Ever and ever yet the verses owning — as, first, I here and now,
Singing for Soul and Body, set to them my name, Walt Whitman.

Walt Whitman’s handwritten rough drafts of Come, said my Soul appear on the facing page and the front and back covers of this issue of American Poet. The poem was first published individually and then as the title-page epigraph to later editions of Leaves of Grass.
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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 12:44

scriitorcahiers panaït istrati

Le jour, par la canicule, je me réfugiais dans la taverne de l’oncle Anghel, fraîche comme une cave. J’arrosais, balayais, lavais les verres et apprenais l’art d’ouvrir une cannelle pour tirer le vin. L’oncle me regardait faire et disait : « Deh, mon garçon, je voudrais bien te garder près de moi, car tu m’as l’air dégourdi, mais ce ne serait guère sage : l’enfant qui se sent chez un parent devient effronté et se gâte. Il n’y a que chez les étrangers que l’on apprenne à devenir homme. Mais il ne faut pas entrer au service de quelque mesquin. Cherche un maître opulent. Et sers-le avec foi ! Ne t’habitue surtout pas à chaparder, c’est chose fort nuisible dans le commerce et qui porte malchance. Si tu as envie d’une friandise, va droit à ton maître, regarde-le ouvertement dans les yeux et dis-lui : “ Monsieur Pierre, j’aimerais bien manger un craquelin aujourd’hui ! ” S’il te donne un sou, achète et mange ; sinon, patiente ! » Panaït Istrati, Mes départs, éditions Gallimard, 1928.

 

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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 14:36

francis-carco.jpg

Elle venait du Midi. Elle avait une pointe d’accent que son sourire, très rouge sur des dents blanches, pimentait singulièrement. On l’appelait la Toulonnaise. En effet, elle avait vu le jour rue aux Arbres, parmi les platanes tors, et grandi, comme les filles de là-bas, au soleil, près de la mer bleue, dans l’odeur âcre du port, du marché, des pins, des tamarins, du fenouil et des fleurs sauvages. Francis Carco, Nine, in La belle amour, éditions de Paris, 1952.

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1 août 2012 3 01 /08 /août /2012 00:25

Isaac-bashevis-singer.jpg

« Je me précipitai dehors et courus vers la rue Niecala. D’un seul coup, Varsovie m’apparaissait comme une ville étrangère. Je reconnaissais à peine les boutiques, les immeubles, les tramways. Un passage de la Guemara me revint à l’esprit où il est dit que ce qui est sur le point de brûler est comme déjà brûlé. Je le paraphrasai à mon propos : ce qu’on se prépare à abandonner a déjà l’air abandonné. » Isaac Bashevis Singer, Lost in America, 1981 (traduction de Marie-Pierre Bay, in Le nouveau cabinet cosmopolite, éditions Stock, 1983).

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 18:42

mom-circa1940-.jpg

« Il faut d’abord prendre une grande bassine en cuivre, la faire chauffer — c’est très important — sur un feu de bois de roseaux. Quand le fond est chaud, y jeter des pommes coupées en tranches très fines, des raisins secs, des dattes sans noyaux. Laisser les fruits réduire en purée, avant de rajouter un demi-verre de noix et d’amandes pilées. Un verre et demi de vin doux. Mélanger et saupoudrer de cannelle avant de servir très chaud. » Mohamed Kacimi, La confession d'Abraham, Gallimard, 2000. 

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Une Petite Rue D’angoulême

  • : le ciel au-dessus de la rue
  • : petites proses journalières, citations, musiques, ou bouts de films.
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il devient écrivain

strindberg-copie-1.jpg

« Toujours allongé sur son canapé, il se sent pris d’une fièvre inhabituelle et tandis qu’elle se poursuit dans son corps, sa tête travaille à mettre en ordre d’anciens souvenirs, à élaguer certaines choses et à en rajouter certaines autres. De nouveaux personnages secondaires se présentent, il les voit se mêler à l’action, il les entend parler. C’est comme s’il les voyait sur la scène. Deux ou trois heures plus tard il avait une comédie en deux actes toute prête dans la tête. C’était un travail à la fois douloureux et voluptueux, si on pouvait appeler cela du travail, car cela se faisait tout seul, sans l’intervention de sa volonté et sans qu’il y fût pour rien. Mais à présent il fallait l’écrire. La pièce fut achevée en l’espace de quatre jours. Il allait et venait entre son bureau et le canapé où, par intervalles, il s’effondrait comme une loque. » (August Strindberg)

valentine

renee-2-copie-2.jpg

Ma grand-tante s’appelait Valentine. Elle vivait en solitaire à Fontbouillon, une campagne reculée, perdue, elle vivait ? — c'est un bien grand mot, je crois que je devrais plutôt dire qu’elle rêvait. Chaque jour elle s’habillait très élégamment, comme si ç’avait été un dimanche. Elle sortait peu. Elle regardait simplement la petite route qui passait devant sa porte, — où aurait-elle pu aller ? Les maris étaient morts depuis longtemps et son fils s’obstinait à vivre dans sa folie. Valentine s’asseyait à son piano et jouait ses nocturnes. La vie de Valentine est un immense, cruel et déchirant nocturne. Il y a longtemps que je pense à écrire le roman de sa vie absente. Fleur fanée d’un souvenir lointain et douloureux.

en voyage

KafkaMan

On arrive sur la grande place dès les premières heures, et tout est encore dans le tendre déploiement du rêve ; le jour est plus que le jour, — et la nuit moins que la nuit. Les pigeons égrènent la ponctuation subtile et mouvante de leur tourbillonnante quête d’horizons. Le ciel descend au milieu des murs, et les jeunes ombres s’étirent derrière les fenêtres. On est devant les vieilles procuraties, et le cœur s’absente de soi-même. On devient le voyageur de son désir — étranger au pays de ses errances.

l’écriture

wassermann

Il faudrait calculer le secret rapport entre la main et la pensée, — je ne suis pas sûr non plus que ce soit la pensée qui s’avance jusque dans la main, — c’est autre chose, peut-être simplement l’élan, la mise en mouvement de ce rapport justement, qui reste suspendu dans le fil courbe de la plume, et la respiration viendrait de ce qu’il faut tout de même, de temps en temps, tremper la plume dans le lac sombre de l’encrier. Peut-être les pensées sont-elles justement tout au fond dans l’encrier ? petites sirènes d’argent.